Alberto Sartoris

Les secrets de Brunoni

Parler de Ugo Brunoni bâtisseur, c’est dévoiler certains secrets de l’architecture nouvelle. Par l’analyse évocatrice de ses meilleures œuvres, on découvre, ce qui est rare, un dessin dont le mystère sous-jacent éclate et se montre subitement au grand jour au moment de la réalisation. En effet, le résultat expressif l’emporte ouvertement sur l’intention déterminante de la projection graphique.

L’optique et les visions intérieures de l’édifice se regroupent et s’articulent naturellement sur des plans multiples à plusieurs niveaux. Les sources de pénétration d’une lumière fascinante créent des perspectives parallèles, convergentes, juxtaposées ou plongeantes. Ces perspectives insolites définissent les formes et les fonctions réelles de l’ouvrage, ainsi que leur supériorité visible sur l’invention des tracés proposés du projet, pas toujours facilement discernables sur les plans.

L’architecture s’évade alors du domaine secret des compositions plastiques, graphiques et constructives de Brunoni, dont l’Ecole « Le Corbusier » de Malagnou, à Genève, en constitue l’une des clefs principales.

Continuateur d’un rationalisme transfiguré, Ugo Brunoni donne à chacune de ses œuvres un propre visage correspondant à sa fonction. S’il a formulé son style particulier, il n’en a pas fait un élément répétitif, mais il l’a introduit dans les rythmes unitaires d’un courant représentatif de notre époque.

Mario Botta

«… Che un giorno lo incontreremo di nuovo poiché non è possibile che una vita cosi esemplare sia stata spesa in vano !”

Bernard Zumthor

… je voulais e dire mon admiration pour ta réalisation à l’UBS, rue du Mont-Blanc!! C’est tout simplement parfait et nous encourage à garder la foi en une bonne architecture possible à Genève.

Nicolas Deville

Ugo Brunoni nous a laissé quelques bâtiments remarquables, singuliers et emblématiques. Ses œuvres font aujourd’hui clairement partie du paysage genevois En revisitant ces édifices, je suis frappé par le soin l’intelligence et la qualité des détails L’excellent état de conservation de ces bâtiments, fruit d’une mise en œuvre soignée, discrète, précise et juste, témoigne du savoir-faire et du professionnalisme d’Ugo Brunoni. Ugo avait un caractère bien trempé, une autorité naturelle, un haut niveau d’exigence. Il était intuitif, passionné, d’une grande gentillesse, attentif aux autres et profondément humain. C’était un être très sensible, souvent touchant…le jour où il apprit que son apprenti dessinateur, le gamin, était sorti premier de sa volée, il était ému aux larmes. Il aimait transmettre aux jeunes en formation son savoir et son expérience, l’enseignement lui a permis de réaliser cette action. C’était aussi un bon vivant, il aimait la vie, les plaisirs simples, les bons repas entre amis.

Pierre Bonnet

Dans une discussion passionnée en décembre 2018 « il nous révèle sa découverte de la « lumière grise » essentielle pour l’atmosphère intérieure d’une église. Son émotion pour l’architecture est restée vive, intacte et je comprends pleinement aujourd’hui que le professeur de mes 16 ans m’ait tant bousculé. Un transmetteur d’émotion, le rôle majeur qu’un enseignant d’architecture doit jouer ! A cette époque, il y a eu aussi des « chocs électriques » entre nos deux formes d’intégrités. Sa pédagogie du tennis pour mon 1er projet d’archi., une échoppe place de la Madeleine m’a frappé : « après un smash, tu t’arrêtes de jouer ? J’ai bien compris le message, que le détail d’assemblage que je venais de trouver tout seul et dont j’étais fier ne signifiait pas que le projet était fini !…

Son désir de partager, sa passion du goût pour les choses de la vie dépasse le champ de l’architecture.

Comment choisir le bon restaurant lors d’un voyage FAS en Sicile ? Très simple : une nappe carrelée en tissu, un éclairage brut, froid, des néons suspendus, quelques tables, pas de menu et le couple de patrons accueillant à l’entrée. Un trésor d’observation, merci Ugo, on a très, très bien mangé. J’ai pu profiter de sa générosité subtile, quand il m’a présenté à son ami Mario Botta lors de son séjour à l’EPFL comme professeur invité en 1983 alors que j’étais étudiant, impressionné, en 1ère année.

Nos rencontres resteront des points lumineux sur le chemin de l’engagement, de la curiosité, de la sensibilité qu’il a dessiné et emprunté, cette richesse m’est bien utile.